Entretien avec Ivana Marchalian
En ma mère, et à mesure qu’elle s’éloigne, réside la mémoire de la terre palestinienne et le portrait de son histoire plurielle, constante au vu de la transformation du temporel et de la pérennité du spirituel. La terre, qui est ma mère, est celle des quatre saisons, celle de la mer Méditerranée et de la mer Morte, c’est la carte vivante de tous les arbres, l’herbe, les fleurs et le sang. C’est elle qui restera, comme indifférente aux envahisseurs de passage, même si certains en sont devenus les pères ou le prétendent. Nul historien, médecin ou agronome ne mettrait en doute sa maternité, elle est ma mère…
Rita n’est pas le prénom d’une femme en particulier. C’est le nom poétique que je donne à l’amour en temps de guerre. C’est le nom donné à l’étreinte de deux corps dans une chambre encerclée par les armes. C’est le désir engendré par la peur, par l’isolement. Une lutte pour la survie entre deux corps, dans un monde où, hors de l’étreinte, ils se combattraient l’un l’autre.
Depuis vingt-cinq ans, l’hiver réveille en moi l’endroit même de cette douleur, là où le serpent m’a piqué. Non, ce n’était pas tant de l’amour qu’un événement, un paradoxe, un test de l’humanité du corps dans son affranchissement de la conscience.
Comme si elle, comme si son prénom, chantait après le hennissement, ce silence lointain, tellement lointain, qui ramène chacun de nous vers son propre exil qui ne voisine pas avec celui de l’autre. Ce prénom chantait dans une langue dont je ne comprenais que notre exil et la dissipation de l’ombre dans la nuit. Mais nous prétendons être les propriétaires du même lys.
Ce désir-là ne pouvait s’éteindre progressivement. Il fallait qu’il s’embrase et qu’il nous embrase. À l’aube, les éboueurs devaient balayer à la fois l’événement et son chanteur.
Non pas que les contes de Shéhérazade se soient épuisés, mais plutôt parce qu’ils ne font que commencer. Et qu’un corps à la portée des fusils ne peut longtemps usurper un autre corps. Mais, qui est Rita ? Je la chercherai dans mon corps une fois de plus et, qui sait, un poème pourrait un jour peut-être la retrouver
Entretien avec Ivana Marchalian
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.